jeudi 15 juillet 2010

La maison sans toit







La maison sans toit

Nous étions sur les rives du fleuve Niger, eau calme et boueuse traversant le désert de sable subsaharien, savourant la tièdeur du sable sous nos pieds nus.
La journée avait encore été écrasée par un soleil sans ombre. Notre pirogue remontait vers Tombouctou, lentement, très lentement.
Le temps n'existe pas dans le désert. Aucun repère, chaque jour est semblable au précédent et au suivant.

Seule la fraîcheur de la nuit et son ciel rond de millions d'étoiles rythme le temps qui s'écoule au fil de l'eau.
Notre feu brillait dans la nuit noire, sans lune, lorsque des dizaines de scorpions sont arrivés, attirer par le feu, pensions-nous.

N'ayant aucun abri il nous fallait quitter le lieu au plus vite. Mais le piroguier ne l'entendait pas de cette oreille : "les scorpions s'éloignent des rives à cause de la tempête qui arrive. Un grand vent de sable va mettre le fleuve en colère ! On ne peut pas partir !"
Au moins, dormons dans la pirogue avons-nous argumenté, pour se mettre à l'abri des dards mortels...

"Non, non, ce serait la catastrophe si la pinasse se retournait à cause de la tempête !"

Mais n'écoutant que notre instinct de survie nous avons embarqué, et supplié notre guide de trouver une rive sans bestiole.
A peine avions-nous quitté la place que les bourrasques de sables déferlaient en rafale.
La nuit était si dense qu'on n'y voyait pas à deux pas, nous nous tenions par la main, parlant fort dans le noir, comme pour se rassurer du dangereux tangage de notre esquif.
Notre piroguier Hydriss, et son jeune fils Amdou, tentait de garder la grande barque assez près du rivage mais on n'y voyait goutte tandis que continuait de s'abattre sur nous le vent de sable qui entrait dans nos bouches, dans nos oreilles, dans nos vêtements. J'ai trouvé à tâtons mon grand cheich noir, l'ai enturbanné comme j'ai pu autour de ma tête, cachant et protégeant mon visage des assauts du sable.

Nous étions là, à mille lieux de toute aide pensions-nous, envisageant le pire, le naufrage, les crocodiles, les hippopotames, ou pire encore !
Le vent rend fou et nos délires ne trouvaient plus les limites du raisonnable.

Puis au milieu des hurlements du vent nous avons entendu un cri. Rauque et bienveillant.
Hydriss dû mettre ses mains en porte-voix et cria à son tour en réponse, dans une langue que nous ne comprenions pas.
L' embarcation vira sur la gauche et vint s'échouer.
Nous avons entendu un dialogue étrange dans la nuit et la tempête. et Hydriss nous enjoignit à nous tenir par la main, à enjamber le rebord de la pirogue, à glisser dans l'eau tiède du fleuve et à suivre qui nous tendrait la main.

Lorsqu'elle m'a fermement empoignée, jamais main aussi calleuse ne me parut si douce et forte à la fois, une main à laquelle je restais accrochée alors qu'elle me hissait hors de l'eau. De l'autre main je tenais celle de l'un de mes compagnons de voyage.
C'est dans le noir total et les rugissements du vent de sable que nous avons suivi aveuglément celui qui nous emmenait loin du fleuve en furie !..

(la suite jeudi prochain)

1 commentaire:

  1. Sophie comme j'ai voyagé au NIGER J'AI FAIT UNE CEUILLETTEs d'images
    je t'embrasse et à jeudi prochain pour la suite
    frankie

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