mardi 16 août 2011

l'épisode six du "bête seler" l'homme aux yeux couleurs d'huîtres




Pearl regarde vite sa montre jaune en plastique étanche : déjà 11h;
Elle n'ose pas tourner la tête derrière elle: Ce qu'elle entend suffit amplement à lui faire dresser les cheveux sur le crâne:
" MRROUING! KFSSS!" Et la galopade feutrée accélère.
Elle visionne au mental toutes les babines, les dents , les moustaches , Elle qui kiffe normalos tous les chats de France et de Navarre, à rayures , à taches etc..,elle en a des sueurs froides: Tous ces poils en mouvement!




Elle tressaute du palpitant. Vite! Ripe à droite, puis à gauche vers le centre piétonnier, manque de binguer grave contre un acacia du Japon, les lanières de ses sandales catalanes lui dégringolent du mollet, elle rebondit, affolée de l'épaule , le long de la devanture de la boulangerie "Chez Camille" où elle s'engouffre pour échapper à la meute féline.
Calme odeur de brioche à l'intérieur .
Dehors, derrière la vitrine, dressés sur leurs pattes arrière, les minets féroces alignent leurs museaux au ras des choux à la crème et des bavarois framboise. Des pattes griffues grincent contre la vitre. Certains matous se mettent à sauter violemment contre la porte.

Madame Camille: "ah! Ça! Encore ces maudits Miaous des Rochers!
La mairie a décidé de les protéger! Patrimoine local qu'ils ont dit! Mais ce ne sont pas eux qui supportent les dégâts! Un chat ça va! J'adore! Mais 50 en troupeau, ça commence à faire! En plus, ils ont toujours faim! Vous verrez qu'un jour on aura un accident!
Bon, à part ça , qu'est-ce que je vous sers?"
Perle tousse, tousse et cligne des yeux, une poussière sans doute, et encore le souffle saccadé de sa course échappatoire!
"Euh! Un éclair au café" dit-elle.
Elle jette un regard de côté: Les chats ont disparu, le camion nettoyage est en train de passer dans la rue avec ses brosses rose-fluo et le vacarme a visiblement fait fuir ses poursuivants.
Elle paye son petit gâteau qu'elle engloutit immédiatement en sortant de la boulangerie pour se remettre de ses émotions . La voie est libre : elle remonte sans se presser la rue des Crécelles et s'arrête bientôt pour relacer correct les lanières de ses sandales.
Mais ça chatouille bizarre du côté du nez :
Elle fouille dans son sac trop grand: Un gouffre sans fond où elle transporte sa maison en raccourci, alors, le mouchoir à petits carreaux qu'elle a gardé par nostalgie de son Gilou enfui avec la coquine d'Oléron, elle a bien du mal à le trouver! Pourtant , l'affaire est urgente , elle sent monter pire qu'un éternuement, peut-être une allergie..Ouf!le tissu vaste et doux accueille le bruit assourdissant de l'explosion nasale qui la laisse pantoise et larmoyante . Mais aussitôt, un haut le cœur la saisit: Un corps d'huitre couleur d'aigue- marine git au creux du linge de l'amant perdu . Se peut-il qu'elle ait avalé ce mollusque à son insu, en une fausse route pernicieuse et qu'il ressorte ainsi propulsé par ses sinus agressés...?
Pourtant, durant l'étrange face à face avec l'homme aux yeux pairs, elle est certaine de n'avoir en rien touché aux coquillages offerts sur cette immense assiette vert émeraude . A moins que.. Les yeux envoûtants avaient capté les siens en une douce mélopée de regard désirant, les pupilles si noires au milieu des volutes vertes et brunes comme une huile capiteuse. Elle s'était sentie aspirée malgré elle par la voix grave, les mains voletant au dessus des coquilles, la belle bouche charnue gobant sans cesse les délices de la mer tandis que le pied nu aux orteils insidieux explorait son creux poplité en émoi..

Pleine de répulsion, elle saisit ,avec un rictus dégouté, le lambeau gluant pour le jeter en pâture aux oiseaux de mer: Mais soudain, elle sent sous ses doigts une petite masse dure, un os dans l'huitre???Une hérésie transgénique? Son instinct de chroniqueuse lui agite la clochette sous le nez. D'un index habile elle fouille la chair décrépite et dégage une perle de belle taille à l'éclat laiteux . Frottant d'une main l'objet contre sa poche-poitrine, elle expédie de l'autre, le cadavre direct au caniveau.
Ce faisant, elle a senti craquer sur son sein gauche la carte glissée précédemment . elle l'extirpe tout en remarquant au toucher le rythme désordonné de son cœur d'oiselle pintadine ... Les aventures prennent, ce matin , une tournure propre à échauffer ces jours de vacances tardives.
Dans sa main gauche , le bijou sauvage repose tiédeusement au creux de la paume. La carte un peu gondolée du séjour poitrinaire est ainsi libellée, sur fond turquoise profond :

AMBROISE MALIGNON
Séduction Animalière
Apprivoisements en tous genres.

Suivent une adresse et un contact téléphonique.
Sentant un léger picotement au niveau de sa cheville, elle s'assoit sur l'un des bancs de la promenade , toute émue par sa trouvaille perlière.
La robe étroite rendant la manœuvre malaisée, elle ôte quelques boutons du bas et, croisant les jambes, elle examine de plus près sa cheville droite: La peau blanche porte une fine marque circulaire, une sorte de tresse légèrement en relief, comme si le contact de la queue du gros chat mangeur de crevettes avait laissé une empreinte brûlante . Se retenant de gratter cette démangeaison potentielle, elle place soigneusement dans son porte monnaie, la perle éternuée.
"Soigner au plus vite cette brûlure!" se dit-elle. Marchant vers la place Neuve, elle entre dans la première pharmacie . Un carillon à l'ancienne retentit, l'espace de l'officine ,plutôt sombre, est coupé par un immense comptoir de bois lustré.



Les rayonnages chargés de médicaments montent jusqu'au plafond orné de caissons peints de scènes mythologiques, mais il est si haut qu'elle ne peut guère en voir les détails. Un homme moustachu a surgi du fond de la boutique et attend qu'elle s'avance vers lui.
"Je voudrais une pommade apaisante pour une brûlure" dit Pearl en posant son sac-polochon à rayures berlingot sur le bois luisant du comptoir. "Oh! Mais une brûlure, ça peut peut être grave! Pouvez-vous me montrer, je vous prie?" Dit-il en passant de son côté. Il l'invite à s'assoir sur une banquette , et elle tend sa jambe droite en désignant la cheville .

"Très curieux! comment diable vous êtes-vous fait cela?
-Un chat m'a attrapée avec sa queue!" Tout en disant ces mots , elle en ressent toute l'absurdité: Qui pourrait bien croire pareilles sornettes?
Mais la tête au crâne dégarni se relève brusquement et le pharmacien lui lance un regard amusé "Vous n'avez pas l'air d'une souris verte, pourtant!





-Oui! mais j'ai horreur des huitres, c'est pour ça! On a voulu m'y obliger!
-Mais à quoi?
-A en manger! c'est ce chat qui m'a capturée par la cheville, ce n'est pas compliqué tout de même! Et puis ça ne vous regarde pas! Donnez-moi une pommade et je me débrouillerai!" Pearl s'énerve un peu en parlant, elle a envie de partir de cet endroit étouffant .
L'homme lâche la jambe légère, non sans avoir laissé glisser ses doigts sur la peau douce.
Il s'éclipse entre les étagères et revient avec un tube dans une boîte cartonnée: " Grycoline" , ce sera parfait pour ce que vous avez!"
Il toussote et renifle en la toisant de haut en bas d'un œil quasi lubrique " Je serais vous, j'éviterais de manger des coquillages près du phare , ce n'est pas un endroit pour les demoiselles en vacances!
-Mais je vous ai dit que JE NE MANGEAIS PAS DE COQUILLAGES!!
-D'accord, mais si vous avez vu un chat qui mange des crevettes..."
Pearl a de plus en plus chaud, et le bracelet cuisant de sa cheville est à la limite du supportable. Elle ouvre son porte-monnaie pour régler son achat, et dans sa précipitation, laisse échapper la perle qui se met à rouler sur le comptoir jusqu'à la main du pharmacien qui la cueille avant la chute.




"Hmm! Beau spécimen! Cela fait bien longtemps que je n'en ai vu d'aussi grosse! Trouvée dans une huitre, je suppose?"
Il émet un couinement et un clappement de langue en lui tendant le trésor miniature .
"Faites attention, vous qui avez horreur des plateaux de fruits de mer, peut-être êtes vous aussi allergique aux perles? Enfin! Si c'est les cas , sachez que je suis preneur au prix que vous fixerez, ou bien , si vous préférez , j'ai en rayon d'excellents antihistaminiques en comprimés ou gélules. Car il serait dommage de priver un si joli décolleté de parures nacrées."
Pearl en a assez de ce manège sournois de lorgneur aux mains moites.
Elle saisit la petite sphère opaline, fait claquer le fermoir de son porte-monnaie pour la mettre en sureté . " Merci pour tout, au revoir Monsieur!" dit-elle d'un ton sec.
Elle franchit le seuil de la pharmacie avec soulagement.
Le carillon résonne dans son dos.
Le ciel est sans nuages et les mouettes se poursuivent en criant au dessus de la plage.
Pearl s'engage dans la ruelle conduisant à son logis vacancier.
Elle a très faim, malgré l'éclair au café.
C'est normal, Midi sonne à l'horloge de la mairie.
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de
agnés/ Crouk




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Sébastien Haton, dresseur de verbes au vert
mon blog d'écritures : http://sebastienhaton.blogspot.com/
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http://croukougnouche.blogspot.com/

2 commentaires:

  1. Coucou! quel boulot!!! bravo!
    juste un truc : en bas de ma page,il serait bien d' enlever la phrase"vous aimerez peut-être", ça n'en fait pas partie;
    merci d'avance!
    bonne journée!

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  2. Ah !! Bravo..(au début je n'ai pas vu les épisodes précédents en dessous et j'étais perdue.)

    Un petit pas de danse ci dessous pour le fun :

    Pearl a bigrement faim, son estomac se tord tout à coup, elle a la tête qui tourne, elle cherche un banc où s'assoir à l'ombre mais rien. C'est que la chaleur n'a pas baissé, au contraire. C'est monté d'un cran au sortir de cette foutue pharmacie. Elle s'est sentie traversée au rayon laser par ce bigleux louche. Merde, est-ce que vais avoir un peu de paix ? Est-ce que je ne suis pas venue pour prendre DU FRAIS au bord d'une mer salée certes mais PAS pour me retrouver entortillée dans ses algues plein les yeux.
    Manger, se requinquer, allez !
    Un petit restaurant dans une rue piétonne avec un porte rouge basque toute ouverte (tiens elle croit voir des lacets suspendus aux vitres comme des guirlandes ?). Elle entre.
    Un gros homme petit dans ses charentaises l'accueille en tablier blanc de boucher et il hume les petits oignons finement
    hachés déjà revenus dans leur vin rouge quasi madère. Elle adore les oignons caramélisés.
    Elle s'assoit à la toute petite table dans le coin à gauche près de la fenêtre, elle voit la porte rouge, personne ne viendra lui caresser le dos cette fois, ni chat ni oiseau rare, basta !
    Elle ouvre le menu, la page est vide mais ornée d'un grand dessins de paysage marin et de poissons. Oh nooonn....Je croyais sentir le petit coq au vin ou le jus de queue de boeuf aux carottes ?
    Glissée sous le plastique un peu sale, une carte de visite du restaurant
    A. MALIGNON
    Dompteur de gourmandises
    Confectionne tous vos désirs du palais

    ? Oh noooon...

    Le patron s'avance, ventre en avant, trainant savate
    " Oui, il n'y a rien sur la carte, ne vous inquiètez pas. Vous me dites ce que vous voulez manger, je fais. J'ai un peu de tout en ce moment, Pearl, vous n'auriez pas envie d'un petit boeuf carottes aux oignons mignons ? Après ces crevettes sur le port, c'est tout à fait approprié, non ?"

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