mercredi 10 janvier 2018

suite de R1. sous un autre point de vue



Une nouvelle vie sur l'emploi du temps
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Je m’asseyais sur le lit voisin, toujours vide. Quand je vis  que ce silence enveloppant était  à son règne, je me munis de statuettes en glaise que je faisais dans les ateliers d’art thérapie  avec les drogués de la Free clinique, aussi lieu de stage à Saint Pierre. Avec un torchon blanc sur les genoux, une lame de bistouri, les sculptures sèches. Je peaufinais les formes. La table des repas me servait de cercle d’envahissement des petits copeaux  de glaise. Ainsi les mots pouvaient arriver sans être traqués d’une charge d’attente corrosive. Les infirmières l’appelaient Monsieur « Silencioso ». Il avait fait du silence : un langage. Elles ne disaient rien sur mes drôles façons d’occuper mes visites. Elles constataient l’effet apaisant de cette activité auprès de leur patient. Le rituel était là. 

Le matin : les médecins, les rayons x, l’après midi : sa Fille. De de temps en temps pour les  diagnostiques j’avais   l’usage les rayons X. Je faisais partie des hôpitaux de Bordeaux, je pouvais obtenir des autorisations de sortie. La grande joie du père était la place saint Michel. Nous nous asseyons sur le banc de pierres, le dos à la statue des soldats de la résistance à Bordeaux.  Nous avions la vue du parvis de l’église Saint Michel et le grand arbre aux branches parasols qui a l’automne a des feux de lumières jaunes dans ses feuilles. La bouteille d’oxygéné toujours à nos côtés. Les gens nous regardaient en disant de nous « Les Amoureux ». Nous ririons.  Nous étions  l’image de l’autre en son contraire. Ronde pulpeuse d’une vivacité qui se voyait même dans mon immobilité , lui chétif amaigri, le visage d’un légionnaire du Fort Saganne des rayons X. Les cheveux noirs coiffés à la Rudolph Valentino ou Hunfrey Bogard, c’étaient les surnoms des ressemblances que l’on lui donnait quand il était le prince des bals de Charente Maritime et de Vendée. Pas un poil blanc dans ses cheveux. Il avait toujours aimé les marchés, la brocante. Je lui servais. Entretenir sa flamme intérieure, le temps que les cellules neuves repoussent.  J’inventais des histoires pour le faire sourire. Sourire, j’avais si peu vu cette expression de lui  depuis la guerre d’Algérie, avant j’étais trop petite. Ses billes ébènes quand elles plongeaient sur moi me figeaient. Il était en Guerre, il en revenait. Ca impressionne. Nous étions ses Femmes et quand ils parlaient de là bas, il disait ses Hommes.. Quelques habitués de la place venaient se joindre à nous. Arabes, espagnols. J’étais la traductrice pour l’espagnol et mon père pour l’arabe qu’il le parlait assez bien.
 J’étais à l’affût de quelque chose qui me livrerait le mystère de Ce  père,   ailleurs que dans l’inventaire bestiaire  de ma mère. Des balles de mitraillettes à chaque mot prononcé à son égard. Et le pére débarqué dans notre deuxième étage du monastère en face de la bibliothèque de Nantes, la baronne se transformait en Midinette. Elle roucoulait comme le pinson au printemps. J’avais   récolté la même verve sur moi. L’incapable, la bonne à rien.  J’en étais devenue dyslexique, lui c’est peut-être de là qu’est né : Monsieur El Silencioso.
Six mois se passèrent ainsi. Les mots furent absents. Sauf le jour quelques jours avant le départ où il se jeta dans mes bras  .
(suite) à bientôt
de Françoise Pain
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 trois ans plutôt que cette image

 

2 commentaires:

  1. Mes voeux pour que ces ateliers 2018 soient des moments de partage et d'enrichissement. Amicales bises.

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  2. C'est toujours un mystère, je crois qu'on ne connais jamais personne, parfois on partage seulement quelques émotions ensemble mais le puzzle n'est jamais terminé

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